Juno est négligemment appuyée contre une caisse aussi grande qu'elle. Si elle paraît détendue, son expression est figée en une moue si serrée qu'elle en est douloureuse.
Un bateau.
Si elle avait su qu'elle remonterait sur ce truc un jour, elle aurait ri nerveusement. Elle a toujours fui plus ou moins consciemment la vue de la mer a Celeia en esquivant soigneusement les quartiers donnant sur cet horizon infini. Le simple fait d'être ici lui offre un malaise palpable, et son esprit panique à demi quand son regard s'appesantit sur l'Etoile Du Matin.

« C'est une chance à ne pas laisser passer. » Elle répète mentalement cette litanie pour se convaincre de sa véracité. Face à cet échec, elle tente de trouver des arguments plus pertinents « Un bateau est un microcosme, un endroit d’entraînement parfait pour exercer la discrétion et s’entraîner à glaner des informations compromettantes. » Elle essaie même de se raisonner . « Ca n'a rien à voir avec l'accident »
Et pourtant, sa main tremble toujours discrètement.

Elle inspire profondément. Puis avance d'un pas assuré vers les marins. L'évocation de Lycoris de Sombresang tient en respect les remarques graveleuses des hommes. Quelqu'un se propose même pour la mener jusqu'à elle, la belle acquiesce avec un sourire délicatement faux. Puis la putain grimpe à sa suite en prenant soin de ne pas trahir les symptômes de sa peur.

Une fois le pied sur le pont, elle baisse les yeux pour détourner son regard de la mer. Mais la nausée est là. Le roulis paisible la crispe presque autant que l'odeur saline que transporte chaque bourrasque de vent. Juno se calfeutre dans son orgueil pour ne pas trahir ce sentiment de faiblesse qui semble suinter d'elle comme une matière sirupeuse qu'elle laisserait traîner derrière elle.
Une fois dans les entrailles du galion, le malaise s'apaise. Elle arrive à se convaincre qu'elle est sur la terre ferme malgré les légers ballottements du plancher. Son guide traverse sans s'arreter une salle emplie de couche et de hamac, puis s'engouffre ce qui ressemble à peu près a une chambre. Elle y pénètre alors que l'homme disparaît rapidement dans son dos apres de vbrêves salutations.

- Dame De Sombresang. Heureuse de faire votre connaissance.

En fervente suivante de l'étiquette, elle incline sa tête brièvement avant de se présenter.

- Je suis Juno. Votre servante pour ce voyage.

Une noble. Son ticket pour le palais au retour des îles. Juno apprendra a lui plaire pour se greffer à la cour par tous les moyens.

Quelques coups discrets frappés à sa porte, et un grognement pour leur répondre. Même la louve n'est pas sûre de ce qu'elle vient de dire, mais un homme de main de Meredith s'engouffre comme s’il avait reçu une réponse positive. Elle ne l'attendait pas sitôt, et il est clair qu'elle s'est réveillée il y a peu; mèches noires ébouriffées sur sa tête, chemise de nuit baillant sur ses épaules et révélant le contour d'un sein qui se dessine sous le tissu. Elle semble cependant fort peu s'émouvoir de la vue qu'elle offre, et ne se lève même pas pour saluer la nouvelle arrivée. Seule une expression quelque peu curieuse lui est offerte quelques instants.

« Hmmm. Bienvenue dans ma modeste demeure, mademoiselle de Caesaris... Non, Juno. J'oubliais déjà.»

Elle n'avait pas une goutte de sang noble, c'est vrai. D'ailleurs... Ou l'avaient-ils encore dégotée, celle-là? Son visage était d'une grande beauté et ses yeux noisette avaient un éclat intéressant, mais son expression laissait entendre qu'elle se préparait à être conduite au bûcher. Cette femme était une prostituée, lui avait-on dit quand elle avait requis d'en apprendre un peu plus sur celle qui allait lui tenir compagnie les prochaines semaines. Cette vérité crue ne faisait ni chaud ni froid à Lycoris, pour ce qui comptait était qu'on lui avait assuré que la servante n'avait aucun contact avec le reste de la Cour- aucun moyen de lui nuire.

« L'Etoile du Matin levera l'ancre demain aux premières lueurs de l'aube pour Novae, et avant qu'on ne quitte le port, je ne peux pas me permettre d'être vue sur le pont.» soupira la jeune femme en s'étalant sur le lit sans s’embarrasser aucunement, comme si elle était seule dans la pièce. Ses iris dorés se promènent sur le plafond austère, vieilles planches de bois vernies mais fendues dans leur longueur, témoignant de l'âge du gallion- le fleuron des corsaires impériaux, mais une dame d'un certain âge. Enfin, après quelques secondes de silence, elle fixe sa nouvelle servante, la détaillant de haut en bas- la déshabillant presque du regard, avant de reprendre la parole.

« Tes tâches quotidiennes consisteront principalement en celles de n'importe quelle servante du palais- pour des raisons personnelles, je n'ai pas eu l'occasion de me faire accompagner par les miennes. Tu prépareras mes vêtements et t'assurera qu'ils resteront frais- je ne supporte pas l'odeur salée qui s'imprègne très rapidement ici, tu le verras vite.»

La jeune noble esquissa une grimace, puis finalement, un sourire amical à l'égard de la prostituée dont l'âge devait avoisiner le sien. Une façon de lui dire que la vie pouvait lui être agréable pendant son séjour en mer, si toutefois elle y mettait un peu du sien.

« Je te demanderai de rester à mes côtés quand je me déplacerai dans le navire, ainsi que de te coucher à la même heure que moi- je verrouillerai la porte de la chambre. Pour le reste, tu peux te lever à l'heure que tu souhaites, je n'ai pas besoin d'aide pour ma toilette, et tu es libre d'occuper tes journées comme tu l'entends, tant que tu remplis ton rôle. Des questions?»

Juno glisse un sourire amical quand elle entend son nom anoblis d'une particule. Mais ne se permet pas d'ouvrir la bouche. Tout simplement parce que une fois qu'elle prend le temps d'observer la cabine. Elle tombe sur Dame De Sombresang.

Son regard glisse un bref instant sur les courbes exposées de Lycoris avant de revenir sur le visage de son employeur.
Elle est magnifique.
La putain enferme cette pensée au fond d'elle pour ne pas qu'elle vienne interférer outre mesure dans son comportement. Puis Juno émet un effort silencieux pour se concentrer sur les paroles de femme.
C'est dificile, la faute en revient à son esprit dont la concentration s’avère franchement friable dans certains contextes. Ou face a certaines attitudes.
Néanmoins, elle parvient a se recentrer sur là discutions. Heureuse d’apprendre au passage qu'elle ne partagera pas sa couche avec les marins qu'elle a entraperçu en arrivant.

Quand vient l'heure des questions, la belle retient quelques frasques indiscrètes : pourquoi une noble peut vouloir quitter son confort pour s'embarquer dans un galion vers les autres îles ? Elle fuirait invictis ? Peut-être, d'autant qu'elle ne doit pas être vue jusqu'au départ. Pour ce genre de détails, Juno compte bien trouver la réponse d'elle-même par le biais d'une quelconque voix alternative. Pour l'heure, elle tente de rester dans son rôle.

- Avez vous d'autres attentes particulière vis a vis de moi ?

Nul sous entendu dans cette phrase. Quoique... Elle a repéré son regard et devine assez facilement de quoi il est question. De toute manière, Juno pose sa question avec tellement d'aplomb qu'il est presque ambigu de savoir si elle fait vraiment mine de n'avoir rien remarqué de cette originalité.

- ...Une fois à Kairos, je précise.

Elle désamorce ses propres bombes avec un flegme qui l'étonne elle-même. Faut dire, elle oublie presque l'endroit où elle se trouve. Et passé cette rencontre, la belle se recentre sur cette histoire de noble dame qui chercherai a fuir Invictis.

Elle lui plaisait bien, cette prostituée. Obéissante sans en faire des tonnes de manière à tenter d'attirer ses faveurs, un piège dans lequel beaucoup de filles du peuple tombaient aisément, toutes naïves qu'elles étaient. Peut-être que l'humiliation qu'elle devait endurer au quotidien avait tué en elle toute forme de naïveté.

« A notre arrivée, il sera inutile d'assister aux effusions diplomatiques de la délégation. J'ai... des affaires personnelles à régler sur place.»

Elle compte bien sûr se lancer à la recherche de la moindre information, la moindre trace qu'aurait laissé Victoria à son passage sur l'île des jeux. La princesse était passée par Kairos avant de disparaître peu de temps après avoir quitté Kalispera- mais un témoignage semblait avoir relaté son apparition à Ba'alat, pays aride aux hommes à la peau sombre ou il était fort rare de voir une femme aussi pâle d'apparence. Les lèvres de la louve restèrent cependant closes, ne divulguant pas le fond de ses pensées à Juno. Elle verrait, si elle se révèle digne de sa confiance au cours de leur périple.

« Enfin, tu pourras rester avec eux, si tu le souhaites. Il paraît que ces... Elus sont le genre de personnes auprès desquelles il se passe toujours les choses intéressantes de ce monde.» souffla-elle avant qu'un rire léger lui échappe. Cela ne dure qu'un instant, puis elle se retourne pour ouvrir un coffre en bois posé sur le plancher, commençant à en fouiller les tréfonds pour en sortir une robe. Conformément à ce qu'on pourrait attendre d'une dame de son statut, la pièce est belle, faite dans un tissu épais aux reflets moirés dont les manches sont brodées avec des fils colorés.

« Je vais m'habiller et te faire visiter les lieux, attends. Il faut aussi que je te présente la capitaine de ce beau navire, sans quoi elle va prendre ombrage de savoir qu'une inconnue est montée à bord de son précieux bateau.» glisse-elle à Juno sur le ton de la confidence, toujours dos à elle, alors qu'elle fait glisser sa chemise de nuit de ses épaules jusqu'à ses chevilles, pas gênée le moindre du monde d'être presque nue devant une femme qu'elle venait à peine de rencontrer- c'était sa servante désormais, et elles allaient passer beaucoup de temps ensemble, alors autant... l'habituer tout de suite à sa vue. Dommage qu'il n'y eût pas de thermes sur le gallion comme celles du palais ou elle aimait passer du temps à se prélasser dans l'eau chaude. A Kairos, il restait à espérer.

Bon... La réponse de la belle est parfaitement vague. Et la conviction de Juno se renforce a mesure qu'elle repère un certain flou artistique : Dame De Sombresang fuit probablement Invictis. Elle n'a pas de preuve, mais elle ne voit pas d'autre possibilité que cette dernière. Dans le dos de Lycoris, Juno sourie brièvement. Comme quoi, elle avait déjà plus ou moins ce mystère à résoudre pour s'entraîner aux arcanes de l'espionnage.

Ce que Juno n'avait pas prévu, c'était l'absence évidente de mesure pudique dans le comportement de sa patronne. Loin de s'empourprer pour quelques formes féminines - furent-elles sculptées comme une de ces statuts de muse, la putain savoure le spectacle en appesantissant son regard dessus. La présence multiple de cicatrices qui lui apportent bien davantage de question que de réponse. Juno se fait cette remarque : la noble a le corps d'un soldat sous les vêtements de dame. Elle le sait parce qu'elle connaît charnellement trop de guerriers pour ignorer volontairement cette information.

Elle surprend quelques pensées fort peu professionnelles sur l'instant, alors la belle continue la conversation en détournant pudiquement son regard vers un mur. Elle suit du regard une petite fissure d'humidité dans la cloison du mur avec un air ridiculement concentré.

- Le capitaine n'est pas au courant de mon arrivée ? Ne risque-t-il pas de me refuser d'embarquer au dernier moment ?

Elle se permet d'être est sincèrement étonnée - Voire même inquiète, de cette information. Même si dans sa tête, le caractère volage de la noble l'intrigue presque autant que le flou qui entoure sa personne.

Passé cette relance de conversation. La belle se saisit de la robe de chambre de la noble et la replie correctement sur un meuble de la pièce pour ne pas oublier de s'en occuper a son retour.
D'ailleurs, faut' qu'elle achète des fleurs séchées avant le départ de l'étoile du matin. Histoire de vaincre l'odeur salée des vêtements sans devoir trop les laver à l'eau douce en pleine mer. Juno doute pouvoir gâcher trop d'eau. Ses seules lessives dépendront probablement de la pluie qui tombera pendant le voyage.

Une fois chose faite, elle reste en retrait, cherchant a aider sa belle si cette dernière présente quelques difficultés à lacer sa robe. Faut dire, les atours nobles n'ont pas la réputation d'être simple a enfiler seule

La louve enfile la robe moirée sans se presser, continuant à parler à Juno pendant qu'elle en ferme les dizaines de lacets fins et petits crochets métalliques qui tiennent le vêtement savamment échancré près du corps. La remarque qu'elle fait est intelligente, aussi Lycoris lui répond-elle d'un ton détaché. « Le capitaine sait que tu es là pour me servir, elle connaît la raison de ma présence sur son bateau.» Elle ne peut lui dire la vérité entière, mais elle mérite de savoir au moins les aboutissants dans quoi elle va se plonger durant ce voyage. « Le moment semble idéal pour t'apprendre qu'elle est aussi ma cousine par les liens du sang.»

Une fois habillée, tapota ensuite le matelas à côté d'elle en faisant signe à Juno de venir s'y installer, créant ainsi une certaine proximité entre elles qui décidément n'avait rien à voir avec la manière dont une servante aurait dûe l’être traitée par une femme du rang de Lycoris. Les yeux dorés de cette dernière luisaient, comme un prédateur amusé par l'imminence de pouvoir jouer avec sa proie, mais son sourire restait charmant, créant des délicates fossettes dans ses joues qui montraient encore sa jeunesse.

« Cependant, c'est une femme autoritaire et qui peut parfois être... capricieuse, alors je te conseille tout de même d'être prudente quand tu te trouves sur son précieux bateau» lui conseilla Lycoris d'un ton de confidence avant de rire. « Enfin, je ne veux pas te faire peur. Si il y a bien une personne à éviter ici...» son visage s'assombrit instantanément, et elle détourne le regard, brisant l'intensité avec laquelle elle regardait sa nouvelle servante jusqu'à là. « Non, tu n'auras même pas à le croiser si tu te tiens tranquille, il ne s'aventurera probablement pas en dehors de ses quartiers... Oublie ce que j'ai dit.» Comme pour chasser ses pensées, elle secoue lentement la tête, soupire, puis passe sa main dans ses cheveux pour tenter de reprendre de la contenance. Elle se laissait bien trop facilement envahir par ses émotions, et même si elle savait très bien jouer la comédie quand le besoin s'en faisait sentir, elle détestait l'idée que quelqu'un qui vienne à peine de la rencontrer puisse lire en elle comme dans un livre ouvert. Son enfance l'avait pourtant endurcie, prompte à montrer les dents et à garder le visage aussi fermé qu'une porte de prison, mais la disparition de Victoria avait brisé en elle les barrières qu'elle avait érigées, l'empêchant de retrouver la même impassibilité qu'autrefois.

Ramenant ses jambes contre son menton dans une position un peu plus renfermée, elle retrouva cependant vite son sourire, comme si de rien n'était. Elle avait quelqu'un pour la distraire ici après tout, c'était aussi le but de la présence de la servante.

« Avant que je t'emmène faire une visite... Parle-moi plutôt de toi, Juno. Je veux tout savoir de ta vie» déclara-elle d'un ton qui ne laissait pas le choix à la prostituée-à la fois joueuse et tyrannique.

Rassurée par sa réponse, Juno s'assied à ses côtés sans se laisser impressionner par la familiarité de Lycoris. Probablement parce qu'elle est à demi consciente du comportement inconvenant de la noble. Faut' dire, une prostituée n'est pas vraiment au su des normes sociales qui régissent les relations d'une servante à son employeur.

Elle l'écoute. À demie étonnée de voir un dialogue naître aussi facilement entre elles. Probablement parce que c'est la première fois qu'elle travaille comme servante. Les Hommes libres ne parlent pas aux esclaves, et les putains doivent se taire. Tels sont les préceptes implicites qu'elle a toujours appliqués à la lettre.

Évidement, la belle capte cette lueur d'insécurité dans son regard quand il est brièvement question d'un homme, ses dents se serrent alors que son imagination s'empare du sujet. Ca lui prend souvent, ces instincts de louve qui jaillissent et dont elle contient difficilement l'apparition. Puis vient son tour de parler.

Parler, c'est tout de même assez contre intuitif. Parler de soi l'est encore plus pour elle. L'avantage quand il n'y a rien à dire, c'est que le reste peut s'imaginer. Elle laisse souvent aux hommes le loisir de fantasmer sa vie, surtout quand il leur vient a l'idée saugrenue de s'éprendre de la prostituée.

Sauf qu'elle ne sait pas dans quelle mesure la Mater s'est étendu sur son sujet. Autant jouer la carte de la franchise. D'autant que le passé est difficile à camoufler quand il se trouve gravé a même la peau.

- Je vais être franche, si on ne vous l'a pas déjà dit Dame de Sombresang, je suis une prostituée.

Elle se lève à demie pour soulever une jupe. Dévoilant le haut de sa cuise orné d'un motif hypnotique a trois branches. Trois, comme Tertia.

- Et comme la vie est bien faite, je suis une ancienne esclave. Le dessin couvre mon ancienne marque au fer rouge.

Elle touche la soie de sa peau tatouée et invite sans trop de pudeur Lycoris à faire de même. Puis elle se rassied complétement à ses côtés, reprenant avec une assurance. Faut' dire, elle essaie de ne pas faire grand cas de son histoire personnelle. C'est une plaie encore ouverte, dont elle feint la cicatrisation depuis plus d'un an.

- Ne vous inquiétez pas au sujet de mon comportement. J'ai évolué en terrain plus hostile et je ne saurais pas vous causer le moindre tord, Dame de Sombresang.

Elle termine avec un sourire avenant.

- Je vous concède sincerement que je n'ai pas l'habitude. Je ne saurais pas trop quoi ajouter d'autre. Si vous avez des questions, j'y répondrai

Sacrée entrée en scène. Lycoris n'a pas le temps d'esquisser une moue surprise quand la métisse soulève sa jupe, mais elle s'approche lentement de sa servante. « Je n'ai jamais trouvé les tatouages particulièrement esthétiques, mais je suppose que c'est mieux qu'une cicatrice aussi laide de sens que celle-ci» déclare-t-elle en passant ses doigts sur la marque de Juno après y avoir été invitée. Avec douceur, une douceur inhabituelle pour quelqu'un d'aussi caractériel et énergétique que la noble rebelle.

« Je sais. Je ne prendrais pas quelqu'un sous mon service si j'ignore tout de ses... activités.» Ses yeux mordorés sont inquisiteurs; mais on n'y lit pour la prostituée ni compassion, ni dégoût. Plutôt un regard qu'on réserverait à quelque objet d’intérêt qui aurait capté notre attention au détour d'un jour de marché, par exemple. L'histoire de la prostituée est un récit qu'elle aimerait entendre, mais elle n'insistera pas davantage aujourd'hui- la perspective qu'elle choisisse d'elle-même de s'ouvrir à sa maîtresse lui semble plus séduisante que de la forcer à la raconter à reculons.

« Evidemment que tu ne me causeras pas le moindre tort, Juno, à moins que tu veuilles passer par-dessus bord.» Elle à un sourire, presque adorable en dépit des terribles paroles qu'elle vient de prononcer. « Je crois que Ymir, la Seconde de ce navire, aime particulièrement faire sauter les gens depuis la planche, directement dans les eaux profondes.» Ajoute Lycoris d'un ton nonchalant, lissant les plus de sa robe du revers de la main. Elle n'aimait pas vraiment les manières de cette femme, pour tout dire, qui ne faisait rien pour cacher au monde les dérives sadiques de son caractère dégénéré. La manière dont elle suivait Meredith comme son ombre, la collant de manière volontairement langoureuse même en public, l'agaçait aussi. Si elle pouvait elle-même passer par-dessus bord un de ces jours, ce n'est pas la jeune Élue qui allait la pleurer.

« Mais je te fais confiance sur le sujet» termina-elle en posant un doigt sur ses lèvres pour signifier qu'elle comptait bien que la prostituée garde ses secrets.